Parution
du Journal d'un Libertin-Idyllique (Illuminescences) 2006-2009, de R.C.
Vaudey ; florilège d'extases de l'amour contemplatif — galant.
Loin de la querelle autour des éditeurs, c'est donc par le biais des Éditions Sensualistes — « maison d'édition de fortune » que nous avons créée pour l'occasion, et qui nous convient parfaitement — que nous publions aujourd'hui le Journal d'un Libertin-Idyllique, livre « vertueux » s'il en est, puisque, selon Stendhal : « la vertu, c'est augmenter le bonheur ; le vice, augmenter le malheur ».
Pour
toutes les raisons que l'on voudra, nous avons opté, pour le moment,
pour une solution qui permet au lecteur d'adresser sa commande
directement à l'imprimeur, qui se charge du reste ; mais, moins
radicaux que Xavier Forneret, nous n'exigeons pas de l'éventuel
lecteur qu'il nous soumette sa demande, et ses motivations, au
préalable.
Ce
Journal d'un Libertin-Idyllique est un livre qui fera
exquisément autorité, puisque l'on y éprouve et on y
contemple la beauté du monde, et que non seulement nous n'avons
jamais cru que les « contemplatifs » seraient de simples
spectateurs au grand spectacle de la vie, de simples auditeurs
au grand concert, mais qu'en plus nous savons bien que nous sommes,
tout au contraire, les vrais créateurs, les vrais poètes, les vrais
prolongeurs de la vie, et que nous nous distinguons, assurément,
beaucoup des acteurs eux-mêmes, — l'homme d'action comme on
l'appelle, — et plus encore du simple spectateur, de
l'invité assis devant la scène.
Auteurs, nous savons que nous possédons sans doute et la « vis contemplativa » et la faculté de regarder rétrospectivement notre ouvrage, mais, en même temps, et d'abord, la « vis activa » qui manque à l'homme d'action, quoi qu'en disent l'apparence et la croyance traditionnelle.
Nous savons bien que nous qui pensons et qui sentons, c'est nous qui faisons et ne cessons réellement de faire ce qui n'existait pas avant : ce monde éternellement croissant d'évaluations, de couleurs, de poids, de perspectives, d'échelles, d'affirmations et de négations.
C'est ce poème de notre invention que les hommes pratiques apprennent, répètent, traduisent en chair, en actes, en vie courante : rien qui ait tant soit peu de valeur dans le monde présent ne possède cette valeur en soi-même, par nature — la nature n'a jamais de valeur — ; cette valeur lui a été donnée, c'est un présent, c'est un cadeau qu'on lui a fait, et ceux qui l'ont fait c'était nous.
Enfin, (et pour corriger Nietzsche que nous venons, longuement, de détourner, ou plutôt de citer) avec d'autres, mais qui nous ressemblaient.
Nous
savons bien que ce petit livre, les amants, éternellement, se
le reliront en riant et en s'aimant : ce qui nous vaudra le renom
suprême, qui est le renom auquel on n'a pas travaillé ; et nous
remercions le ciel d'avoir voulu que nous soit dévolu de vivre —
et d'en être les inventeurs, comme on dit pour ceux qui découvrent
des étoiles ou des trésors — cette forme de l'amour et de la
grâce, et que nos noms s'attachent à cela plutôt qu'à la
célébration de l'alcool et à la considération désabusée du
monde ou du passage du temps — même si nous avons beaucoup de
tendresse pour Omar Khayyam et pour Debord que, toujours, également,
les intempérants et les mélancoliques se reliront.
(Mais
la mélancolie, on le sait, est déjà le commencement du doute, qui
est lui-même le commencement du désespoir ; lui-même commencement
cruel des différents degrés de la méchanceté : on sait où tout
cela mène — on le voit en ce moment, et il semble que cela doive
aller en s'aggravant.)
Pour
finir cette présentation, nous dirons qu'il est manifeste que ceux
qui portent les renversements dans la considération de l'amour
apparaissent en France, toujours dans des moments historiques de
grande effervescence, de grands bouleversements : avant-hier, des
Courtois, croyants catholiques et chevaleresques, dans le feu des
croisades ; hier, un Sade, libertin roué et pré-nietzschéen, dans
le feu révolutionnaire ; aujourd'hui, des Antésades,
libertins idylliques et post-nietzschéens, dans le feu des mafias de
la banque, du commerce — et du nucléaire.
La
noblesse de cœur (et le désintéressement) d'une certaine
chevalerie aristocratique avait donc fini par se retourner en son
contraire : l'apologie de la « jouissance » dans la prédation —
maligne et destructrice — de tous et de tout, faite par certains de
ses descendants libertins du XVIIIe siècle.
Maintenant
que cette forme d'« idéal » s'est, à son tour, bien démocratisée
— au point que chacun est séparé de son prochain comme le fauve
de sa proie (ou l'inverse) — et s'est étendue à toutes les
activités humaines, à un point tel que l'on sait bien que — d'une
façon ou d'une autre — cela doit finir, apparaît, assez
logiquement, et dans un renversement tout aussi complet, cet éloge,
que nous vivons et que nous faisons, d'une autre forme de la
jouissance et du rapport au monde et à l'autre.
Dans le moment présent, qui est plutôt aux catastrophes, aux bouleversements et aux carnages, que peut-il advenir d'un tel éloge?
Et dans les siècles qui viennent ?
Observons.
(Première mise en ligne : le 7 avril 2011)
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(Première mise en ligne : le 7 avril 2011)
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