Les
années 60 et 70 du XXe siècle comme redécouverte de la fonction
régulatrice — pour les individus inféodés au groupe et pour les
groupes eux-mêmes — de l’orgie, et la massification du phénomène
nihiliste — qui va crescendo jusqu'à la fin des années 90 — par
l’exploitation mercantile et l’autonomisation des pulsions qui se
défoulaient dans la transe, dans les sociétés traditionnelles,
mais qui y restaient contenues par le labeur et la communauté.
Donc,
dans un premier temps on brise les interdits. On fait tomber les
tabous. Sexualité de groupe, plus ou moins sportive et roborative.
“À l'américaine”. Plus ou moins complice. Les tabous et le
refoulement sont levés rapidement. Cette première “sous-couche”,
relativement “récréative” qui apparaît alors sous le vernis
social, laisse sourdre des pulsions destructrices et
autodestructrices (que l'ancien refoulement et les anciens tabous
tenaient relativement en respect) mais, dans un premier temps, de
façon peu perceptible et ne faisant que colorer plus ou moins
légèrement la sexualité “récréative-roborative” et
relativement complice de ces débuts de libération de l'ancien ordre
moral, religieux et métaphysique.
Peu
à peu — et cela paraît de plus en plus clairement à la fin des
années 90 et au début des années 2000 avec le développement
d'Internet — apparaît, de plus en plus évidemment pour tous, un
raz-de-marée — qui bien sûr s'inscrit dans un processus
historique de paupérisation plus générale, d'unification de la
planète et donc de la destruction d'autres carcans sociaux,
relationnels, régionaux et locaux en quelque sorte — un
raz-de-marée, donc, fait de la violence suicidaire et meurtrière
que dissimulait encore cette sexualité “récréative” du début
de la mise à bas, par les masses, par les classes moyennes des pays
riches, de l'ancien ordre patriarcal religieux et métaphysique.
Ce
que ne pouvaient connaître les membres des sociétés esclavagistes
patriarcales-marchandes, (condamnés, au mieux, à l’orgie
saisonnière ou élitiste) c'étaient le sujet et l'intimité.
Le sujet et l'intimité, ces inventions du monde chrétien qui, avec
son apparition dans l'histoire, commencent un long voyage historique
vers le point central de la conscience individuelle et sociale des
futurs “maîtres sans esclaves”.
Le
sujet et l’intimité, voilà également ce que fuyaient les jeunes
révoltés (et, peut-être plus encore, ceux qui les ont suivis) des
années 60/70 (les “chapelles” analytiques, politiques,
religieuses : Rajnesh, Muehl etc.) redécouvrant l’eau tiède avec
l’orgiastique – qui est une fonction de régulation des
groupes ou des masses – et le confondant avec l’orgastique
qui marque le déploiement du sujet, de l’intimité, de la
rencontre, et leur apothéose.
Aujourd'hui,
l'objectif est clairement d'être capable d'établir, pour la
première fois dans l'histoire de l'humanité, de cette façon-là
tout au moins, une intimité égalitaire, jouisseuse, intelligente,
entre les sexes jusque-là opposés, entre les hommes et les femmes.
La
mise en avant de la sensorialité, le retour aux sens, ne peuvent se
comprendre que comme cela.
L'ancien
mouvement de révolte contre l'ordre patriarcal ancien, lui, s'est
attaché à des versions souffreteuses, nihilistes et mécanistes du
corps (la “plasticienne” aux implants, l'espèce de crétin avec
sa machine à merde etc.) : le préhumain contemporain lorsqu'il
désire dépasser l'ancien ordre patriarcal ne fait que dévoiler la
misère que cet ordre a produite chez lui.
La
réalisation de l'intimité, le dépassement de cette “défaillance
de la faculté de rencontre” dont parlait Debord, citant Gabel,
dans La société du spectacle, voilà le propos de ceux qui
se veulent post-analytiques, post-économistes et
post-idolâtres.
Les
sensualistes défendent donc une idée de l'art, de la littérature,
de la poésie, de l'aventure, de la philosophie, du libertinage
totalement en rupture avec celle que l'on défendait, diversement,
jusque-là. Avec la figure du Libertin-Idyllique nous mettons en
avant un individu qui s'abandonne tantôt aux fulgurances poétiques,
tantôt aux fulgurances philosophiques, tantôt aux fulgurances
artistiques, — picturales ou autres — tantôt au farniente,
et qui place, au cœur de tout cela, l'intense volupté, le jeu
voluptueux, comme voie royale à l'ouverture poétique du Temps. Ce
qui signe la fin des râteliers philosophiques, des râteliers des
« arts plastiques », des râteliers littéraires,
c'est-à-dire aussi celle des écrivains spécialisés, des
philosophes spécialisés, des poètes spécialisés, des débauchés
spécialisés, et marque l'apparition des voluptueux,
héritiers du poète courtois et de l'« honnête homme »,
qui dans l'art, dans la philosophie, dans la littérature, dans la
poésie, dans la peinture, dans les arts plastiques, dans la
réflexion philosophique déploient ces fulgurances nourries à la
source de leur jouissance puissante et voluptueuse du Temps.
Fin
historique des besogneux (bien sûr, ils demeurent, avec l'époque
qui les porte et qui n'est pas prête de s'achever, et leurs
activités avec...) et apparition des voluptueux qui comprennent
l'art amoureux comme fin et moyen de la construction des situations.
On se situe d'une certaine façon dans le monde, on essaie
d'organiser, autant que faire se peut, son temps autour de l'amour,
de la volupté comprise ici comme voie royale vers les beaux-arts,
non seulement les beaux-arts amoureux, mais les beaux-arts en
général, les Lettres, la poésie, la philosophie.
Le
dépassement du préhumain contemporain implique l'apparition, dans
le cours de ce millénaire, d'un individu à la fois plus léger
et plus profond, qui puisse se jouer de tout ce qui s'offre à lui.
Sans
nier les notions d'apprentissage dans l'exercice des différentes
formes d'expression de la grâce physique, intellectuelle, poétique,
nous sommes cette volonté qui veut la recréation du monde, des
situations et des caractères par un Homme puissant et léger, relié
et profond, voluptueux et contemplatif, et la disparition des lourdes
bêtes “cagotes”, “philosophiques”, “poétiques”,
“littéraires” et “artistiques” etc. d'aujourd'hui, toutes
lourdement marquées par la haine, la volonté de détruire ou de se
détruire, le ressentiment, les ruminations compulsives et les
projets vengeurs et “méphitiques” de l'analité sadique, le
désespoir, toujours à la recherche d'un bon maître, de l'oralité
dépressive, les fanfaronnades sadiennes, guerrières et
conquérantes, phalliques-narcissiques, le goût “explosif” pour
la souffrance du masochisme, la folie histrionique, totalement
déconnectée de ce qui profondément la sous-tend, parfaitement
inconsciente et donc parfaitement adaptée à ce stade du spectacle
marchand, de l'hystérie.
Nous
avons posé les bases, pour le grand public, dès la parution du
Manifeste sensualiste, d'un stade supérieur du jeu de
l'autocréation humaine.
Avant-garde
sensualiste 4. Recueil littéraire et artistique. Juillet
2006/Mai 2008