R.C.
Vaudey
Poésies III
Les
idées s'améliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est
nécessaire. Le progrès l'implique. Il serre de près la phrase d'un
auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la
remplace par l'idée juste.
Aujourd'hui, l'expression « jouissance amoureuse » ne connote pas à proprement parler un événement poétique, un vertige, l'emportement par la beauté convulsive, mais l'ivrognerie de l'âme envahie par les pulsions secondaires pré-génitales — destructrices ou autodestructrices.
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Tout
le monde a le droit de souffrir d'injouissance, mais pas d'exiger que
nous vénérions les horreurs et les stupidités qu'elle produit.
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L'agitation
moderne fait obstacle à la jouissance du Temps : quand elle n'a
pas totalement détruit les capacités natives de la goûter, elle
empêche — pour la plupart, et le plus souvent — de s'y
abandonner.
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N'espérons
pas que la civilisation renaisse, tant que l'homme ne se sentira pas
humilié de se consacrer à autre chose qu'à la contemplation
galante et au déploiement — esthétique et artistique — de la Beauté.
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Le
degré de civilisation d'une société se mesure à l'importance que
l'amour contemplatif — galant y a pris.
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Toute
catastrophe est une catastrophe de la contemplation galante.
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Sans
une certaine profondeur mystique — galante, la perception de la
puérilité religieuse ou transgressive est inaccessible.
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La
plupart des hommes, avec les années, s'avilissent.
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Nous
comprenons chez les autres — tout en en méprisant les
manifestations — cette inhumanité injouissante — cette
injouissance inhumaine — que nous avons appris à analyser et à
dépasser en nous, en revivant, en partie, les scènes-clés de son
origine, et en retrouvant ainsi notre cœur poétique-émerveillé,
qu'elles avaient étouffé : ce sont cette volonté (délibérée
et forcée par nul intérêt matériel, carriériste ou social),
cette exploration (terrible et merveilleuse, tout à la fois),
associées à la science des situations (apprise d’autres), servies
par la chance et la ténacité qui nous ont permis (jusqu’ici... ) de vivre avec lucidité une vie calme, simple, discrète, au
milieu de livres intelligents, tout en goûtant les extases de l'amour contemplatif — galant.
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Le
monde moderne regorge d'articles inutiles non seulement à la
perfection mystique — galante de l'homme mais aussi à la
perfection matérielle du monde.
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Comment
peut vivre quelqu'un qui n'attend pas de miracles poétiques —
contemplatifs ?
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Faire
tout avec lenteur, voilà la seule dignité de l'homme — qui ne
tient, on le sait, qu'à sa capacité au mysticisme galant...
*
La
jouissance contemplative — galante est la seule énigme qu'il n'est
pas décevant de déchiffrer.
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Les
idées de nos contemporains ne sont pas des idées de
gauche (ou de droite), ce sont des idées de pauvres — en jouissance et en poésie.
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L'amour
païen, l'amour « romantique », la sexualité dépravée,
satisfaite d'elle-même et hygiénique, entre noceurs revenus de tout
: rien n’approche, ni de près ni de loin, la joie et les extases
de l'amour contemplatif — galant.
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La
soif de grandeur, de noblesse, de beauté, est un appétit de l'amour
contemplatif — galant, qui s'ignore.
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Même
la jouissance devient triviale si nous la considérons uniquement
comme un processus physiologique, et non comme un miracle mystique — galant.
*
La
« Raison » du XVIIIe siècle ne fut pas un symptôme d'intellect
hypertrophié, mais de sensibilité contemplative — galante
atrophiée.
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Quand
de telles « lumières » éclairent le monde les bas-fonds du
caractère des humains — que le patriarcat, par les conséquences
psychophysiologiques de l’esclavage, pendant plus de 8000 ans
avait dévoyé — ont tôt fait de se manifester.
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Que le mouvement du temps veuille bien un jour libérer l'humanité de l'injouissance ! L'injouissance, cette mère du terrorisme politique, de la névrose obsessionnelle religieuse, de l'inhumanité éthique, de la stérilité esthétique, de la niaiserie philosophique.
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Dans
les sociétés où la jouissance amoureuse n'est pas liée à la
personne — qui n'est plus, de fait, qu'un branloire –
pérenne ou transitoire – et un fétiche plus ou moins marchandisé
—, le mort a saisi le vif — comme il a saisi l'amour – aussi.
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La
souffrance est le combustible de l'injouissance — qui la renforce
en retour.
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Sans
abandon ni sentiment, il est possible de connaître des ersatz de
l'amour contemplatif — galant mais pas l'amour contemplatif —
galant lui-même.
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Si
les hommes n'avaient pas inventé l'esclavage dans la société, et
l'inégalité qui s'ensuit dans l'amour, ils ne s’entretueraient
pas pour se divertir de l'ennui.
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Les
transgressions des injouissants aristocrates, pervers-polymorphes et
mondains, ont, dans un premier temps, commencé par animer les salons
des quincailliers enrichis et ceux de la bourgeoisie des Lettres, puis les
clubs de vacances des ploucs (pour le dire comme Debord) de la
classe moyenne, pour finir par occuper le temps libre du
lumpenprolétariat le plus démuni.
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Regardez
l’internet ! C'est la dictature de l'injouissance sexuelle, poétique et
sentimentale du prolétariat !
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La
poésie a toute sa place dans le monde, — et il n'y a de monde qui
vaille sans poésie vécue. Elle n'est — pour le moment et pour
quelques très rares — le plus souvent qu'un flamboiement qui
s'infiltre par leurs failles quand elle devrait être un miracle
permanent ayant pulvérisé le Vieux-Monde et la gangue de misères
qui l'emprisonnent.
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Les
pratiques pornographiques sont l'ersatz moderne de l'expérience de
la jouissance contemplative — galante... à venir... Qui sait !
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Ce
qui ne ressortit pas à la contemplation — galante n'est pas
intéressant.
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Aimer
comme nos contemporains, c'est la recette du désespoir et de la
bêtise.
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Les
agitations populaires sont dénuées d'importance tant qu'elles ne
transforment pas les problèmes en problèmes poétiques, galants —
extatiques.
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Ceux
qui dénoncent la stérilité sociale de la critique de la société
de l'injouissance oublient la noble fonction qu'exerce la
proclamation claire et nette de nos goûts et de nos dégoûts.
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Mettre
en rage l'injouissant contemporain est le signe irréfutable qu'on a
visé juste.
Le 25 mai 2016
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