Charmes, grâce...
— Même
jour, seize heures. Plein soleil. Mouvements pelviens spontanés ;
grande sensibilité génitale. —
L'analyse
n'était pas censée nous donner ce scepticisme de bon ton mais cette
grande puissance génitale, la force, la maturité, la possibilité
de désirer, de désirer se fondre puissamment, génitalement.
Nous
ne devions pas nous perdre éternellement dans les méandres de la
symbolisation de nos traumas passés, mais les revivre totalement,
directement, être de nouveau immergés en eux, et, par cette
libération des affects refoulés, par ce revécu de nos peurs, de
nos terreurs les plus intenses, de nos colères les plus terribles,
de nos extases les plus divines (“aux anges...”), retrouver
l'essentiel de notre être, de notre force, de notre humanité, de
notre capacité à désirer et à nous abandonner à nos sentiments
de confiance, d'amour, de force, à laisser parler en nous cette
vague puissante de la vie ondulante qui passe toujours par notre
cœur, et que guide notre esprit (la culture).
L'analyse
ne devait pas nous conduire à ce renforcement de la paralysie
initiale des exigences et des capacités d'extension de la vie,
qu'est la névrose, par une charge intellectuelle supplémentaire,
poids supplémentaire sur le couvercle de la marmite des sentiments
refoulés, du vécu inconscient, mais, bien au contraire, à faire
sauter la marmite, les résistances — avec leurs variantes de
compréhension théorique – voir Israël citant Freud —, et, par
ce fait, libérer finalement l'homme aux couleurs d'or, au cœur
d'or, aux mains de tendresse et de force, au sexe turgescent de désir
infini, prêt à danser la danse cosmique de la vie, sur les plages,
avec l'air du Temps, l'or du Temps, les charmes de la vie, si
contrariée fût-elle (l'exquise beauté des jeunes filles indiennes
ou vénitiennes), partageant son temps entre d'aimables et profondes
conversations, de belles balades à la recherche de l'amitié
(l'égalité des amis) et de l'amour (l'égalité des amants).
Et
l'on peut dire qu'il en fût ainsi : l'enfer fut l'enfer (avec des
touches sublimes de bonheur et de vie) ; le paradis, le paradis.
...
...
Nous
devions devenir ces beach-boys théoriciens (ces hommes solaires qui,
le soir, se couvrent des parures de la soie, pour faire vibrer
profondément, la voix grave et tendre, le regard doux, de fières
femmes qui auraient emprunté les mêmes chemins que nous). Après
avoir pleuré, vomi, crié, imploré, été morts de peur, de rage,
de désespoir, mille fois, et pour mille pauvres petites raisons —
mais qui pourtant pour nous étaient tout — nous devions sentir de
nouveau la force, la vie, le désir, la libido coulant dans nos
veines, de la tête aux pieds, irriguer chaque millimètre de notre
peau, gonfler nos queues du désir même de la vie (ce que la théorie
appelle pudiquement le rétablissement de la libido génitale),
gonfler nos cœurs de joie, de sentiments, d'humanité, d'amitié ou
d'amour.
L'homme
vrai sans situation, en nous, devait enfin pouvoir se réaliser,
s'exprimer de mille façons.
Nous
n'avons pas cherché des formes aisées ou tranquilles de la survie ;
mais plutôt la vie à son point d'éblouissement et de vibration le
plus extrême. Et nous avons décidé que nous bouleverserions le
monde. Mais ce bouleversement-là est un jeu, et son résultat est
une vie tout entière dédiée au badinage, à la frivolité, aux
jeux et aux extases.
Le
16 Juillet 1991.
In
Avant-garde Sensualiste. n° 2. Janvier-Décembre 2004.
R.C.
Vaudey. Journal d'un Libertin-Idyllique (Illuminescences)
1990-1991
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