Le nihilisme, compris
comme la critique de l'idéalisme — qui superpose au monde fortuit,
un monde ordonné – de toute éternité et pour l'éternité —
est le plus souvent associé à un pessimisme plus ou moins radical :
c'est une erreur.
Parfois, la découverte
du fortuit princeps se mêle d'un malin plaisir à la destruction :
elle se teinte alors d'une joie mauvaise de faire tomber et de voir
s'effondrer l'illusion d'un monde ordonné. Cette surdétermination,
historiquement datée et idiosyncratiquement caractérisée —
sadienne, au fond — gâche, le plus souvent, la fraîcheur du «
Rien n'est vrai » par un « Tout est permis » — ressentimental –
en dernière analyse.
Plus encore, on prend le
plus souvent pour du nihilisme un idéalisme en quelque sorte
inversé, que Nietzsche appelait l'idéalisme en laid, qui —
dans une posture inverse mais dans une démarche identique à celle
de l'idéalisme en beau — superpose au monde fortuit, un monde
assurément laid et mauvais :
Être assuré, même du
pire, c'est être rassuré — et telle est la raison d'être de l'idéologie.
Dans un cas comme dans
l'autre.
Enfin, lorsque l'extase
de la contemplation est remplacée par son exact contraire —
lorsqu'elle est, pour une raison ou une autre, impossible —,
c'est-à-dire lorsqu'elle est remplacée par l'effondrement et
l'effroi devant ce qui est alors perçu comme l'étrangeté absolue,
apparaît une autre forme du nihilisme marqué, lui, par la
sidération et par l'horreur, infinie, du vide — vécu comme
sidérant. (L'analyse et le revécu des traumatismes archaïques,
l'expérimentation des psychotropes les plus puissants, les deuils
et les traumatismes s'accompagnent toujours de ces expériences
terrorisantes, et plus ou moins résurgentes, de déréalisation.)
Freud, qui disait ne
rien entendre à la musique et au sentiment océanique, a, pour
l'avoir connu — comme beaucoup d'entre nous —,. décrit
parfaitement cela.
À l'opposé de ce
nihilisme de la terreur du vide absolu, Nietzsche a présenté une
forme, en quelque sorte jubilatoire, d'un nihilisme de la plénitude,
du trop-plein absolu, avec sa théorie de l'Éternel Retour
et de l'amor fati, où le « Rien n'est vrai » débouche
cette fois sur un « Tout est possible » — qui est
aussi bien un « Tout a été, est et sera possible. »
Cette critique radicale
de l'idéalisme, ce nihilisme jubilatoire, est en quelque sorte le
grand discours cosmique : « Le fatalisme extrême est au fond
identique avec le hasard et l'activité créatrice.
(Pas de hiérarchie des valeurs dans les choses ! Il faut
la créer !) »
Personnellement,
j'aurais souligné : Il faut la créer!
Mais, si l'on excepte
quelques rares cas où transparaît encore de façon évidente un
malin plaisir destructeur, personne avant nous ne s'était hasardé
dans ces formes de l'activité créatrice où le fortuit
princeps peut tout aussi bien laisser place — si on en a le bon
plaisir — au sensualisme princeps et à ses passions
affirmatives, où le monde est perçu comme « un jeu divin »
placé par-delà le bien et le mal, et où le poète, en
antéphilosophe, peut dire : Ego fatum !
À ce point d'accord et
de plénitude on peut admettre qu'il est difficile d'associer le
concept de Néant — que plus de deux mille ans de métaphysique
ont connoté négativement – quand il est pour nous, les «
artistes de rang supérieur » (« Le "Moi", le "Sujet",
pris comme ligne d'horizon. Renversement de la perspective. »), ce
qui ouvre au jeu - et au Je - suprêmes.
C'est pourquoi nous
l'avons — avec ceux de nihilisme et de nihiliste — abandonné
depuis longtemps à cette époque condamnée, pour lui préférer — avec ceux de
libertinage et de libertin idylliques —
celui d'impermanence (qui est extra-européen).
Mais, au fond, on
pourrait, tout aussi bien, pour nous qualifier, parler de nihilisme
et de nihilistes idylliques — si l'association de ces termes
n'était, pour nos oreilles européennes, encore plus choquante que
celles de libertin, de libertinage, et d'idyllique.
Où peut bien mener une
telle métaphysique — ou plutôt une telle anti-métaphysique ! —
et à quoi peut-on bien aboutir en partant, à vingt ans, de telles
considérations ?
Pour répondre à ces
questions, et pour finir aimablement et en chanson, comme il se doit,
tout en tranchant d'avec les apeurements névrotiques pascaliens,
nous allons rejouer maintenant un air, à jamais heureusement acquis,
qui s'intitule :
SÉRÉNADE
mais qui aurait pu tout aussi bien s'appeler :
AU
CENTRE DE L'UNIVERS
La
vérité toute simple
C'est
que j'aime jouir
Du
mouvement souple
Puissant
et extrême
Qu'entraîne
notre interpénétration
Suprême
Caressante
Coulée
Où
se déploie pour moi à chaque fois
La
sensation
Suprême
Caressante
Coulée
Puissante
et extrême
Et
de ma maturité
Et
du sentiment
Surabondant
Que
j'ai
De
tant vous aimer
Cette
interpénétration d'apothéoses
Nous
l'aimons tant
Que
nous lui sacrifions sans y penser
Tout
le reste
Et
passés les premiers baisers
Et
les premières ardentes caresses
Sans
plus attendre
Nous
la reprenons
Extatiquement
Le
souffle coupé
Impatients
et tranquilles
De
nous laisser emporter
Par
son divin déroulé
Depuis
que je vous ai rencontrée
Rien
d'autre
De
l'amour charnel
Ne
m'intéresse
— Ni
bouche
Ni
seins ni fesses —
Rien
que cet amour interpénétrant
Qui
me déroule en puissance
En
douceur et en ivresse
Qui
me voit explorer
Et
ma maturité
Et
le sentiment surabondant
Que
j'ai
De
tant vous aimer
On
dit remercier le ciel
Sa
bonne étoile
Sa
bonne fortune...
Assis
là dans la nuit
Seul
Sous
les étoiles et le ciel
En
gentilhomme de fortune
Au
centre de l'univers
Goûtant
la chance de la plénitude
C'est
le cœur débordant d'une immense gratitude
Que
j'ai dicté
Pour
vous
Ces
quelques lignes
Sous
la fenêtre de la chambre où vous dormez
D'un
sommeil où j'espère vous rejouez
Quelques-unes
de nos harmonies
D'apothéose
enamourée
À
la vie !
À
l'amour !
À
la bonne étoile !
À
la galaxie en spirale étoilée de l'amour que nous aimons tant jouer
!
Dont
nous aimons tant être les jouets !
À
vous mon amour...
Le 24 septembre 2007, pour le poème.
Le 7 décembre 2013, pour le reste.
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