Poésies
III
Les
idées s'améliorent. Le sens des mots y participe. Le plagiat est
nécessaire. Le progrès l'implique. Il serre de près la phrase d'un
auteur, se sert de ses expressions, efface une idée fausse, la
remplace par l'idée juste.
La
haine pour les Libertins-Idylliques n'est autre chose que l'amour du
libertinage idyllique. Le dépit de ne pas le connaître se console
et s'adoucit par le mépris que l'on témoigne à ceux qui le vivent
; et ceux qui leur refusent leurs hommages le font de ne pouvoir leur
ôter ce qui leur attirera ceux de tout le monde — dans une tout
autre époque.
*
Se
servir d’esprits auxiliaires
C’est
où consiste le bonheur des plus chanceux que d’avoir choisi, dans
leur jeunesse, des gens d’esprit qui les ont tirés de l’embarras
de l’ignorance en débrouillant leurs affaires névrotiques et
amoureuses — donc philosophiques. De se nourrir des poètes et des
sages, c’est une grandeur qui surpasse la bêtise barbare de ceux
qui se sont laissés éduqués, en amour et partout ailleurs, par des
barbons pervers, des laideronnes vicieuses — et des maffieux —
qui, sous prétexte de les servir dans leur « libération »,
les ont dupés à leurs jeux.
C’est
un nouveau genre de domination que de faire — par la liberté —
des serviteurs de ceux que la nature a fait libres d’eux-mêmes
mais les esclaves des souffrances de leur passé et des afflictions,
et des addictions, qu’elles leur donnent. L’homme a beaucoup à
savoir, et peu à vivre ; et il ne vit pas s’il ne jouit pas
idylliquement. C’est donc une singulière adresse d’étudier les
Traités de savoir-jouir à l’usage des jeunes générations
sans qu’il en coûte, et d’apprendre ainsi beaucoup en apprenant
des meilleurs. Après cela, vous voyez un homme jouir de la grâce et
de son existence — et ne jamais faire état des moments nuls de sa
vie — par le fait de plusieurs autres ; et ce sont autant de
poètes et de sages qui parlent par sa bouche, dont il s’est
instruit auparavant — et qu’il sauve, par transfert ;
— puisque, on le sait, le détournement est le contraire de la
citation, de l'autorité théorique toujours falsifiée du seul fait
qu'elle est devenue citation.
Ainsi,
la conscience, le plaisir et les contemplations poétiques d’autrui
lui ont permis d’avoir lieu — à son tour —, en lui
offrant des conseils, et en lui distillant le savoir de la
quintessence.
*
Tout
individu est le centre de l’univers. Une idée individuelle n’est
que la représentation, la copie d’un individu. Toute idée
individuelle peut donc être le centre de toutes les autres.
*
Il
faut dire avec Chamfort : « Il y a deux classes de
moralistes et de politiques, ceux qui n’ont vu la nature humaine
que du côté odieux ou ridicule, et c’est le plus grand nombre :
Lucien, Montaigne, La Bruyère, La Rochefoucauld, Swift, Mandeville,
Helvétius, etc. Ceux qui ne l’ont vue que du beau côté et dans
ses perfections ; tels sont Shaftersbury et quelques autres. Les
premiers ne connaissent pas le palais dont ils n’ont vu que les
latrines. Les seconds sont des enthousiastes qui détournent leurs
yeux loin de ce qui les offense, et qui n’en existe pas moins. »
Mais
il ne faut pas croire avec lui que : Est in medio
verum.
Il
n’y a pas de nature humaine.
Rien
n’est — tout devient.
Et
puisque rien n’est vrai tout est possible.
Et
il faut me croire lorsque j’écris :
La
grâce de la jouissance amoureuse est au corps ce que la
contemplation qui la suit est à l'esprit.
— car
j’ai ce rare privilège de connaître très parfaitement ce dont je
parle là.
Un
homme n’est grand qu’en proportion de l’estime continue qu’il
peut avoir pour lui-même.
Ainsi
évitez les rôles inférieurs et la compagnie des gens méprisables
: ces miséreux qui voudraient finir par se faire croire.
R.C.
Vaudey.
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